"[...] C'est avant 1950, dans ces années fiévreuses qui suivirent la Libération de Paris, qu'un art absolument nouveau apparut, s'incarnant tout naturellement dans une envolée lyrique. Les polémiques entre l'abstaction et la figuration ont alors dominé les débats esthétiques. Et à l'intérieur même de l'art abstrait les disputes ont été vives entre artistes de l'abstraction géométrique et ceux de ce que l'on appellera bientôt l'abstraction lyrique.
Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd'hui, c'est l'abstraction géométrique qui prédominait dans les premières années de l'après-guerre.
[...] On aurait pu croire que, face à la contre-offensive de la peinture figurative [...], il n'y aurait pas d'autre voie que le retour à la tradition ou la négation de toute figure.
Or, une autre voie apparaissait, encore souterraine, tout à fait marginale et que bien peu d'amateur discernèrent. Sans doute l'exposition que la galerie René Drouin, place Vendôme, consacra à cet inconnu qu'était WOLS fut-elle déterminante, puisqu'elle suscita, l'été 1947, l'enthousiasme d'un jeune peintre, Georges MATHIEU, dont l'action allait être décisive pour cette envolée lyrique. [...]
Pour valider une tendance, il faut une exposition de groupe et un manifeste. Le tout jeune et alors inconnu MATHIEU (il avait vingt-six ans) assuma ce rôle. En décembre 1974, il organisait à la galerie du Luxembourg une exposition pour laquelle il avait voulu donner le titre Vers l'abstraction lyrique. La galerie préféra L'imaginaire. Mais le mouvement était lancé.
L'année suivante, la galerie Colette Allendy lui demanda d'organiser une nouvelle exposition sur le même thème intitulée H W P S M T B, premières lettres du nom de chaque exposant : HARTUNG, WOLS, PICABIA, STAHLY, MATHIEU, TAPIÉ, BRYEN.
Abandon de la figuration traditionnelle, refus des règles, et notamment celles de la géométrie et de la peinture par aplats, envolée lyrique, voilà les critères de la nouvelle peinture. Mathieu y ajoutait vitesse et improvisation. [...]"
Michel Ragon, L'envolée lyrique Paris 1945-1956, Paris, Musée du Luxembourg, 2006, pp. 19-20 |