Les Malassis : une coopérative de peintres toxiques (1968-1981)
1 - L'histoire et les enjeux de la Coopérative des Malassis, fondée en 1970 par les peintres Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré, Gérard Tisserand et Christian Zeimert, sont mal connus. En proposant un colloque, une exposition et un catalogue richement documenté, le Musée de Dole, qui conserve la presque totalité de l'ouvre collective des Malassis, propose une reconstitution de l'histoire et des pratiques du groupe. Elle éclaire, pour la première fois et d'une manière passionnante, les ambitions politiques et esthétiques de la peinture française d'une période très agitée, celle des années 1960 et 1970.
2 - Il est tout à fait intéressant, par exemple, de découvrir que le modèle des Malassis est la coopérative agricole, la coopérative laitière plus précisément et que, à travers les références faites à Pierre-Joseph Proudhon, à l'anarchie et au mouvement ouvrier de la seconde moitié du XIXe siècle, c'est de la tension politique des groupes politiques contemporains (communistes, maoïstes, gauchistes, pro-chinois, etc.) que ce modèle de la coopérative tente de s'éloigner en instituant un mode de fonctionnement (location des ouvres plutôt que vente, recours à la commande, perpétuation du travail pictural) éloigné du radicalisme de ces divers groupes appelant souvent à rompre avec toute pratique artistique. L'intérêt des différents articles tient donc aux nuances qu'ils apportent à la vision souvent réductrice des enjeux du groupe et des débats qui s'y mènent. L'autonomie qu'appelle le fonctionnement du modèle coopératif est, par exemple, incompatible avec les exigences de la plupart des groupes ou groupuscules révolutionnaires du temps, soumis quant à eux à une hiérarchie peu encline à discuter de questions relatives à la production artistique elle-même. Elle considère cette dernière le plus souvent comme une simple propagande.
3 - Restent aujourd'hui, au Musée de Dole, des ouvres véritablement collectives au sens où chaque peintre intervenait sur le travail de l'autre, parvenant, comme le dit Henri Cueco « à une moyenne médiocrité qui a un mérite » (p. 34) et à surprendre les peintres eux mêmes : cette « "mauvaise peinture", dira Cueco, [eut] une nécessité au moment où on voulait reconstituer quelque chose, faire une sorte de table rase pour aider d'autres gens à produire autre chose, dont on n'a sans doute pas bénéficié nous-mêmes » (Id.).
Véronique Goudinoux, Critique d'art [En ligne]. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/17549 |